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Le syndrome
de nudité (nude)

 

 L'alopécie généralisée héréditaire ou nudité est documentée depuis le XIXe siècle chez le chat. Les diverses mutations survenues à travers le globe n'ont pas été systématiquement sélectionnées. Le Sphynx, dont l'histoire commence dans les années 1960 aux Etats-Unis, est l'exemple de sélection réussie le mieux connu aussi bien du grand public que du monde félin. 

 L'appel aux échantillons ADN lancé fin 2013 par l'École Nationale Vétérinaire d'Alfort, à des fins d'identification d'une mutation récessive responsable d'un syndrome de nudité (ou hypotrichose) propre au Sacré de Birmanie, surprit un bon nombre d'éleveurs français. Et néanmoins, en coulisses, on avait connaissance de ce phénomène en France, en Suisse et aux Pays-Bas depuis les années 1980. La naissance de chatons Birmans nus a été rendue public dès 1978 en Grande-Bretagne. 

 Les recherches de l'équipe du Dr Abitbol se conclurent par la commercialisation d'un test ADN en 2015. Très peu d'éleveurs ont décidé de le maintenir dans leur politique de dépistage, l'opinion publique tendant à considérer le syndrome de nudité davantage comme un fait historique et moins comme un danger actuel. L'attention dont il a pu faire l'objet malgré sa fréquence aujourd'hui marginale s'explique par une apparence impressionnante et l'important déficit immunitaire qui lui est intrinsèquement lié. En effet, l'hypotrichose du Birman a cela de spécifique qu'elle va de paire avec une espérance de vie considérablement écourtée, dont on situe la limite haute aux environs de 8 mois.

 Cette description quelque peu effrayante ne doit pas faire oublier la rareté de la chose. Les données connues à ce jour ne vont pas dans le sens d'une systématisation du test ADN. D'autre part, la transmission de l'anomalie dans le temps a logiquement été limitée par la mortalité précoce qui la caractérise, et les risques sont actuellement minimes. Le test ADN reste une précaution qu'un éleveur peut décider de prendre.

 

Une portée de 4 nouveaux-nés nus et leur mère

(Casal et al., 1994)

 Le syndrome de nudité saute aux yeux dès la naissance : les petits naissent totalement dépourvus de poil. On ne peut aucunement le confondre avec la faible pilosité que peuvent présenter des chatons prématurés, par exemple. La pilosité se limitera ici à un fin duvet laineux, que la Dr Charlotte Bineau décrit ainsi :

"Le fin duvet présent sur le dos des chatons était formé de poils courts, tordus voire cassés et s’épilant facilement. Le trichogramme réalisé sur les chatons a montré des poils clairement anormaux avec des racines élargies en cloche et peu kératinisées. L’aspect était pâle à transparent en microscopie optique."

 Lorsqu'ils sont présents, les moustaches et les cils se limitent à de fines boucles beaucoup plus courtes que la normale. Les griffes sont susceptibles d'être fragilisées, affinées et/ou ramollies.

 La croissance des chatons nus se poursuit souvent de manière relativement normale, et ils peuvent faire preuve de la même vitalité que leurs congénères sains. Particulièrement plissée et épaisse, leur peau demande un entretien spécifique du fait de la quantité de sécrétions grasses jaunâtres à brunâtres et odorantes qui s'y accumulent. Elle laisse apparaîre les marques colorpoint typiques du Birman.

 Le Dr Peter Hendy-Ibbs fut le premier à étudier le syndrome de nudité de près. Dans le numéro 75 de The Journal of Heredity daté de novembre 1984, il nous apprend que 10 chatons atteints sont nés au Royaume-Uni entre 1978 et 1982. On avait correctement déduit que l'anomalie se transmettait sur le mode récessif. Les britanniques attribuent l'introduction de la mutation à une lignée d'origines françaises fondée sur l'union entre Kathou de Khlaramour et Isabelle de Sandricourt, dont descendent deux des trois premières femelles importées au Royaume-Uni, à savoir Shani de la Vallière et Osaka de Lugh.

 Il n'était pas rare, pour l'époque, que les éleveurs décident de supprimer les chatons présentant des caractéristiques inhabituelles à la naissance. Les petits épargnés mouraient cependant entre 2 semaines et 3 mois d'âge à l'issue d'infections respiratoires ou digestives sous-jacentes sévères. Faute d'autopsie, les premiers écrits se contentèrent de ces constats. 

 Le Birman Cat Club formula en conséquence des recommandations destinées à enrayer la propagation de la mutation au terme de sa réunion annuelle en 1983. Les reproducteurs ayant donné naissance à des chatons nus devaient être retirés du circuit, et la mise en reproduction des frères et soeurs des sujets atteints fortement découragée.

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Deux chatons britanniques âgés de 10 semaines

(Hendy-Ibbs, 1984)

 Au regard de la diffusion qui fut faite des lignées britanniques, on peut dire que la transmission de nude fut heureusement limitée. Cette dissémination explique cependant que l'on rencontra rarement mais régulièrement le syndrome de nudité en France, en Suisse, aux Pays-Bas et même, si les rumeurs sont exactes, jusqu'en Russie ou encore en Australie. Le délai de survie le plus haut constaté depuis les années 1980 est de 8 mois. 

 L'école vétérinaire d'Alfort suivit plusieurs chatons en 1986. L'équipe du Dr Bourdeau fit part de ses observations deux ans plus tard, appuyant l'hypothèse d'un allèle récessif. En 1994, 9 nouveaux-nés furent autopsiés à l'université de Zurich, en Suisse, à la demande de leur éleveur. D'après Casal et al., l'examen mit en évidence une absence de thymus. Or, cette glande est essentielle au système immunitaire puisque sa fonction est de produire des lymphocytes (un type de globules blancs) ainsi qu'une hormone permettant la maturation de ces lymphocytes. Sans elle, les défenses immunitaires sont irrémédiablement compromises.

 Ces derniers éléments guidèrent les recherches du Dr Abitbol de l'école d'Alfort concernant le déterminisme génétique de l'anomalie. L'hypotrichose avec aplasie du thymus est connue chez le rat, la souris et l'humain et il était déjà acquis que le phénotype découlait d'une mutation sur le gène FOXN1, qui fut donc ciblé en priorité. Les équipes mobilisées démontrèrent que FOXN1 était bien le locus touché et confirmèrent une transmission sur le mode récessif. S'agissant de l'espèce féline, cette mutation est véritablement spécifique au Sacré de Birmanie.

 Après quoi, 126 Birmans ont été soumis à un test ADN, parmi lesquels un mâle affecté né en 2013 et son père. Ce chaton est décédé à 4 mois des suites d'une diarrhée persistante. Seuls 2 autres participants se sont avérés porteurs. La prévalence de nude dans l'échantillon est de 3.2%.

 Le LOOF mit la découverte de l'origine génétique du syndrome de nudité à l'honneur dans sa newsletter du 30 avril 2015. Le dépistage par ADN est désormais inscriptible sur les pedigrees, sur demande de l'éleveur. Cela n'est  pas requis pour gravir les échelons du Système de Qualification des Reproducteurs (SQR). En revanche, nude fait partie des tests de santé demandés pour les lignées birmanes utilisées dans le cadre de programmes d'hyridation approuvés par le LOOF.
 

Un chaton présentant une accumulation de sécrétions cutanées

(Bourdeau et al., 1988)

 Les données les plus récentes datent de 2022. L'étude Genetic epidemiology of blood type, disease and trait variants, and genome-wide genetic diversity in over 11,000 domestic cats publiée par Heidi Anderson et al. a étudié la fréquence de diverses maladies héréditaires, couleurs de robe et autres particularités physiques chez le chat de race, y compris la mutation FOXN1 responsable du syndrome de nudité. 174 Birmans originaires de Finlande, de Norvège, des Pays-Bas et des USA ont subi  un test ADN, sans que la mutation n'ait pu être détectée.

 

 Concrètement, un dépistage de masse n'est pas pertinent. Le test sera utile si l'on a connaissance d'un antécédent dans une lignée ou que l'on souhaite prendre ses précautions. Il mérite en tout cas réflexion pour les chats descendant de sujets identifiés comme principaux dénominateurs communs des chatons français atteints depuis les 20 dernières années, notamment Ice des Millières, une femelle née en 1993. La présence de lignées britanniques récentes dans un pedigree doit également attirer l'attention.

 On peut enfin relever que, contrairement aux autres affections héréditaires prioritairement dépistées, nude ne nécessite qu'un dépistage unique, fiable, définitif et relativement économique pour un élevage de petite taille. C'est donc une mesure préventive que l'on peut éventuellement prendre sans devoir redouter un engagement émotionnel ou financier lourd.

 Il n'est pas nécessaire de retirer les porteurs sains de la reproduction - évidemment, ils ne devraient jamais être mariés à un autre porteur, et la sélection doit idéalement permettre d'évacuer la mutation. Si l'on a connaissance d'un risque pour une lignée précise, le test ADN offre donc une solution concrète.

Résultats possibles au test ADN pour nude

N/N : chat sain, non porteur. Il ne pourra pas transmettre la mutation.

N/nude : chat sain, porteur. Apte à transmettre la mutation.

nude/nude : chat atteint.

Bibliographie

Hendy-Ibbs P M. Hairless cats in Great Britain. Journal of Heredity numéro 75, 1984.

Bourdeau P, Leonetti D, Maroille J-M, Mialot M. Alopécie héréditaire généralisée féline. A propos d'un cas observé dans la race Sacré de Birmanie. 1988.

Smith V. The Birman Cat Worldwide. 1991.

Casal M-L, Straumann U, Sigg C, Arnold S et al. Congenital Hypotrichosis with Thymic Aplasia in Nine Birman Kittens. 1994. 

Herlin A. Les déficits immunitaires non infectieux et non parasitaires du chat. 2006.

Abitbol M, Bossé P,  Thomas A, Tiret L. A Deletion in FOXN1 Is Associated with a Syndrome Characterized by Congenital Hypotrichosis and Short Life Expectancy in Birman Cats. 2015.

Bineau C. Le syndrome de nudité chez le Sacré de Birmanie, description et origine génétique. 2016.

 

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