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Publications scientifiques - Note sur la MPS VI

Juillet 2016

Mucopolysaccharidosis VI in cats – clarification regarding genetic testing

Leslie A. Lyons, Robert A. Grahn, Francesca Genova, Michela Beccaglia, John J. Hopwood, and Maria Longeri

-> Clarification au sujet des symptômes et conséquences de la Mucopolysaccharidose de type VI (MPS VI) ainsi que concernant les politiques de tests ADN à mener. L'équipe de recherche indique que, sur un échantillon total de 2602 chats, la majorité des 435 chats porteurs et des 103 atteints de la forme modérée de la maladie étaient des Sacrés de Birmanie. Elle appelle cependant à une tolérance envers les Birmans atteints ou porteurs de la forme modérée, en mettant en garde contre la "faible diversité génétique" de la race qui s'aggraverait si l'on venait à écarter l'ensemble des chats concernés de la reproduction. Selon les chercheurs, même si les éleveurs doivent avoir conscience de son existence, la mutation liée à la forme modérée, de nature discrète, ne présente de risque pour l'animal que lorsqu'elle est combinée à une autre mutation, et ne justifierait donc pas à elle seule de retirer un animal de la reproduction s'il semble en bonne santé générale.

Traduit de l'Anglais 

Cette note concerne la génétique féline de façon générale. Les points concernant plus spécifiquement le Birman ont été notés en gras.

Abstract

 La mise à disposition d'outils diagnostiques par ADN pour les animaux de compagnie s'est considérablement développée. Plus de 70 variantes ADN différentes sont désormais connues chez le chat, y compris des variantes de gènes liés à des pathologies, ainsi que des gènes produisant des caractéristiques d'intérêt esthétique. Les tests génétiques ont un impact considérable sur l'élevage et la gestion sanitaire étant donné leur capacité à contrôler la reproduction des chats domestiques, en particulier les chats de race. Utilisé à bon escient, le dépistage génétique permet d'éviter de donner naissance à des animaux malades, provoquant une diminution de l'occurrence de la variante responsable dans la population féline, et, potentiellement, son éradication finale.

 Cependant, le dépistage de certaines variantes ADN peut ne pas être justifié, et risque de générer des conflits au sein de la communauté des éleveurs, puis une réduction inutile du bassin génétique et des effectifs de reproducteurs disponibles. Le test pour la Mucopolysaccharidose de type VI, plus spécifiquement pour les variantes L476P (ndlr : forme dite sévère de la maladie) et D520N (ndlr : forme dite modérée) de l'arysulfatide B a fait l'objet d'une grande attention. 

 Aucun problème de santé n'est associé à la variante D520N, toutefois, des éleveurs ayant obtenu un résultat positif pour ce test spéculent sur une possible corrélation avec des problèmes de santé. Le chat Sacré de Birmanie a déjà un bassin génétique considérablement réduit et une haute occurrence de la variante D520N de la MPS VI. Une réduction supplémentaire du bassin génétique, en écartant les chats hétérozygotes ou homozygotes pour la seule variante D520N, pourrait conduire à augmenter les effets d'une dépression de consanguinité sur la race.

 Le dépistage génétique de la variante D520N de la MPS VI est ici débattu. Des rapports de différents laboratoires suggèrent un contrôle de la forme L476P responsable de la maladie chez le chat de race, en particulier pour les races dérivées du Siamois et leurs croisements. En revanche, D520N n'est pas prouvée comme responsable de pathologies chez le chat, et le dépistage n'est pas recommandé en l'absence de L476P. Une sélection par élimination de D520N n'est pas fondée.

La promotion de tests ADN auprès de l'ensemble des espèces animales pourra être guidée par des recommandations plus rigoureuses.

Contexte​

 Les tests génétiques constituent l'un des sujets les plus brûlants du milieu de la médecine vétérinaire. La découverte et la mise à disposition d'outils diagnostiques par ADN ont considérablement progressé, et ces tests ont un impact significatif sur l'élevage et la gestion sanitaire des effectifs. Tout test ADN requiert un examen approfondi par la communauté des chercheurs afin d'en documenter la sensibilité, la spécificité et la corrélation avec une pathologie, étant donné que les conséquences en aval de la publication de variantes génétiques ambiguës ou bénignes sont à même d'avoir un impact majeur sur la santé génétique d'une population.

 Un exemple récent de test ADN controversé chez le chat est celui pour les variantes A31P et A74T de la protéine C3 de liaison à la myosine (MYBPC3) pour l'hypertrophie cardiomyopathique (HCM). La variante A31P est fortement corrélée à la maladie, avec un déclenchement tardif par une transmission sur le mode autosomique dominant chez le Maine Coon. Cependant, la variante A74T a été présentée dans un rapport scientifique, et a été suggérée comme cause pour cette même maladie, ce qui a provoqué un débat animé au sein de la communauté vétérinaire. Plusieurs laboratoires commerciaux ont proposé un dépistage ADN. Toutefois, les données indiquaient clairement que A74T était un polymorphisme courant au sein de nombreuses races, sans lien significatif avec la HCM. De ce fait, le test pour la variante A74T a ensuite été retiré de l'offre de nombre de laboratoires commerciaux, et la présence ou l'absence de cette variante ne devrait aucunement influencer les choix d'élevage.

 Une situation similaire s'est récemment produite pour le test génétique pour la mucopolysaccharidose de type VI (MPS VI), une variante de l'arysulfate B. Le phénotype et la présentation de la variante L476P responsable d'une forme sévère de la MPS VI qui ont été publiées étaient connues depuis de nombreuses années. Cependant, une seconde variante a été identifiée dans la même colonie féline expérimentale. Plusieurs laboratoires proposent désormais un test ADN pour cette variante D520 N dite "modérée". Contrairement à la HCM, les vétérinaires et les propriétaires de chats sont peu familiers de la MPS VI, tant au regard des signes cliniques que de l'évolution de la maladie.

 Dépourvus des connaissances requises, et avec une assistance en matière de génétique peu accessible, des éleveurs se sont alarmés du dépistage de nombreux chats comme porteurs ou homozygotes pour la variante D520N. Une vague de dépistage pour la variante D520N chez le Birman a accru l'inquiétude des éleveurs, qui attribuent désormais pyomètres, avortements, infertilité et autres problèmes de santé à la variante. D'où la motivation de ce papier d'opinion, et un parfait exemple des questions auxquelles les communautés scientifique, vétérinaire et d'éleveurs devront fréquemment répondre à l'avenir. Ces questions sont les suivantes : cette mutation cause-t-elle une "vraie maladie", un "dysfonctionnement", et vaut-elle la peine de procéder à une élimination par sélection négative dans les programmes d'élevage ? Cette variante, en tant qu'indicateur de risque, laisse-t-elle présumer d'un lien fort avec une pathologie ? Une sélection rapide et massive sur la base d'une caractéristique génétique peut conduire à une réduction drastique de la diversité génétique d'une race et à l'éventuelle émergence d'autres problèmes, potentiellement plus dévastateurs.

 Les auteurs ne considèrent pas la variante D520N comme cause d'un dysfonctionnement ou d'un problème de santé, à moins qu'elle ne soit combinée à la variante L476P. Écarter les chats possédant la variante D520N n'est conseillé qu'en cas de test positif pour L476P. Cependant, la présence de la variante L476P n'a pas été démontrée chez les races et chats de maison qui ont été testés jusqu'ici. Est ici présentée une étude des données génétiques actuelles favorable à cette position.

Qu'est-ce que la Mucopolysaccharidose de type VI ?

 Les maladies de surcharge lyososomales (LSD - lyososomal storage diseases) forment un groupe de pathologies diverses, avec pour point commun une accumulation anormale de métabolites dans les cellules. Les LSD résultent d'un déficit au cours du processus de catabolisme des lysosomes. Les lysosomes fournissent un environnement favorable aux hydrolyses catalysées par les enzymes, protégeant les autres structures cellulaires de l'action négative d'enzymes dégradantes non confinées.

 Le groupe LSD est organisé en sous-groupes comprenant plus de 30 maladies différentes, classées en fonction des processus métaboliques affectés et du type de surcharge identifié. Les humains atteints de MPS ont au moins sept entités pathologiques différentes, incluant des anomalies du squelette, cardiovasculaires, neurologiques et oculaires, que l'on retrouve chez les chats atteints.

La MPS VI chez le chat

 Cowell et al. (1976) ont signalé le premier cas de maladie métabolique des mucopolysaccharides chez le chat : Suzie, une Siamoise blue point de 21 mois née d'un accouplement mère/fils, présentée comme "extrêmement petite" et "rechignant à se mouvoir". Sa tête était "plus petite que la normale, avec une allure d'ensemble élargie et raccourcie." La mâchoire supérieure était remarquablement large et courte." Flexion et extension articulaires lui provoquaient des douleurs bilatérales, avec des difformités du squelette évidentes à la radiographie, des déficits neurologiques multiples, une opacification de la cornée, une atrophie rétinienne, et des taux significatifs de concentration en mucopolysaccharides dans les urines.

 Une colonie expérimentale a été établie à partir d'un croisement entre un Siamois et un chat de maison, et des données pathologiques et enzymologiques plus poussées ont pu être relevées. La MPS VI a depuis été diagnostiquée chez des chats Siamois et chats de maison de différentes origines, avec des taux semblables.

 Une étude de la population mondiale a été menée chez le Siamois pour les mutations L476P et D520N. La prévalence en a été étudiée à partir d'un panel de 101 chats ne montrant pas de signes cliniques, en Amérique du Nord, Amérique du Sud, Europe et Australie. Au sein de cette population, la fréquence allélique de D520N était de 11.4%, mais L476P était absent, ce qui suggérait une faible fréquence, ou bien une plus haute prévalence dans des lignées ne faisant pas partie du panel.

Offres commerciales de dépistage des MPS

Des dépistages sont disponibles sur le marché pour la forme "modérée" de la MPS VI, la variante D520N. Toutes les données ont été générées dans le cadre de services facturés et ne proviennent pas d'expérimentations. Nous avons déterminé le génotype de plus de 2200 chats, et la variante a été identifiée dans 13 races différentes, dont l'Abyssin, le Birman, le British Shorthair, le German Longhair, l'Oriental, le Ragdoll, le Bleu Russe, le Russe Blanc, le Selkirk Rex, le Siamois et le Tonkinois. La plupart de ces races sont originaires du Sud-Est de l'Asie, et les quelques cas détectés au sein des races originaires de l'Ouest de l'Europe, comme le British Shorthair, le Ragdoll et le Selkirk Rex sont probablement dus à des croisements antérieurs. De façon intéressante, des chats ayant des origines sud-asiatiques, dont le Korat et le Singapura, ainsi que des chats issus de l'Abyssin, comme l'Ocicat, ne faisaient pas partie des populations parmi lesquelles la variante a été détectée.

Suite à l'analyse d'environ 2602 échantillons d'archives destinés à des projets d'études pathologiques et génotypiques non liés à celui pour la MPS, seuls quatre chats ont été testés comme porteurs de la variante sévère, L476P, dont un chat de maison, un Siamois, un Ocicat, et un Chartreux. Ce faible taux pourrait se situer dans la marge d'erreur du panel. En revanche, 435 porteurs de la forme modérée D520N ont été identifiés, ainsi que 103 homozygotes. La majorité des homozygotes et des porteurs étaient des Birmans, avec également de nombreux chats sauvages africains et européens, ce qui suggère que la variante connait une ségrégation parmi les populations sauvages et pourrait être un allèle ancestral commun.

Conclusion

 La génétique est un outil extrêmement puissant dans le domaine de la santé animale et de sa gestion, car elles permettent de contrôler la reproduction féline. À l'aide des tests génétiques, les reproducteurs peuvent être sélectionnés de sorte à prévenir des maladies, à éradiquer des problèmes de santé avant qu'ils ne surviennent. Cependant, le savoir génétique doit être manipulé avec sagesse, sans donner lieu à une agitation ou une inquiétude non fondée, afin de ne pas mettre à l'écart des individus dont la contribution au bassin génétique pourrait être précieuse. Ainsi, les chercheurs ont la responsabilité de définir avec vigueur les variantes ADN responsables de problèmes de santé chez le chat.

 Chez l'être humain, des programmes de dépistages personnalisés pour les nouveaux-nés sont déployés dans le monde entier, permettant de détecter des dizaines de variantes en cause dans la survenue de pathologies. Les problèmes de santé causés par ces variantes ADN peuvent être enrayés par une intervention rapide. Conjointement à ces programmes de dépistage, les domaines de la médecine génétique et de l'assistance génétique se sont développés.

 Plus de 70 variantes génétiques ont été identifiées chez le chat, déterminant la couleur et le type de robe, des caractéristiques morphologiques, le groupe sanguin, ainsi que des mutations responsables de maladie. Cependant, il n'existe pas de programmes d'assistance génétique pour les animaux de compagnie, et, ceci étant, les chercheurs et laboratoires doivent endosser ce rôle auprès des propriétaires de chats en ce qui concerne les maladies héréditaires.

Une sélection par élimination de D520N non contrôlée est un exemple d'utilisation non réfléchie des test ADN. La réduction de la diversité génétique, déjà très faible pour certaines races telles que le Sacré de Birmanie dont l'occurrence de la variante D520N est élevée, est susceptible de provoquer la prolifération de mutations aux conséquences plus lourdes. Croyant que cette mutation doit "faire quelque chose", les éleveurs ont tendance à lui trouver un lien avec toutes sortes de problèmes de santé, en particulier des problèmes communs liés à la surpopulation et au stress, établissant une association non scientifique et fortement biaisée, y compris lorsqu'il n'y a pas relation de cause à effet avec les variantes ARSB.

 

Les conséquences d'une caractéristique génétique en termes de douleur et d'entrave aux fonctions normales devraient être prises en compte lorsqu'il s'agit de publier des variantes ADN pour lesquelles un test génétique pourra ensuite être demandé, tant par les vétérinaires que par les éleveurs. Les dysfonctionnements génétiques de nature sévère doivent être testées, contrôlées et enfin éradiquées. Inversement, l'élimination de polymorphismes génétiques faiblement voire non associés à des phénotypes modérés met en péril le bassin génétique des races à risque.

Seule la variante L476P du locus ARSB est responsable de pathologies sévères chez le chat. Étant donné que la variante en question a été détectée au sein du panel d'étude non biaisé d'échantillons provenant de chats de race, peut-être cette variante à association pathologique devrait-elle être contrôlée dans les populations de chats de race, en particulier les races apparentées au Siamois. En revanche, le caractère pathologique de 520N n'est pas prouvé, et les auteurs recommandent aux éleveurs de cesser les dépistages pour cette variante, excepté en cas de combinaison avec L476P. Un test pour D520 devrait être envisagé pour les chats hétérozygotes pour L476P, cependant, L476P est elle-même extrêmement rare dans l'ensemble de la population féline et ne devrait pas faire l'objet d'un dépistage, excepté en cas de soupçon de MPS.  Une sélection par élimination de D520N n'est pas justifiée. Les chercheurs et les laboratoires doivent examiner la littérature disponible sur le sujet, et, peut-être, discuter ouvertement des problématiques inhérentes aux tests ADN durant des forums tels que The International Society of Animal Genetics (ISAG). Les vétérinaires et éleveurs sont encouragés à être proactifs et à soutenir la recherche par le biais d'échantillons, d'historiques médicaux et dons financiers afin de déchiffrer les causes des problèmes de santé de leurs chats.

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