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Le Sacré de Birmanie aux États-Unis

Eh oui, malgré la proximité de la Grande-Bretagne avec la France, les États-Unis eurent la primeur de l'import de chats Sacrés de Birmanie vers les grands pays anglophones : alors qu'il fallut attendre le milieu des années 60 pour que des éleveurs britanniques sautent le pas, le Dr John Seipel, décédé en 2012 et résidant dans l'État de Virginie, a ouvert le bal dès septembre 1959 en important Irraoudi du Clos Fleuris. Peu après, Josika du Clos Fleuri et Joanne d'Ormailley le rejoignent, ainsi qu'un autre mâle né l'année suivante, Kairos de Lugh.

Ce ne sont pourtant pas leurs chats qui ont posé les fondations du Sacré de Birmanie en Amérique du Nord : bien qu'ils aient donné naissance à plusieurs portées sous l'affixe "Janaques", ils semblent n'avoir laissé aucune descendance au pool génétique de la race sur le long terme. Les Seipel contribueront cependant à la promotion de la race sur leurs terres, notamment au sein d'un club félin local qu'ils avaient rejoint. En septembre 1964, la famille comptait 14 Birmans, mais abandonna l'élevage à la fin des années 60 pour des raisons inconnues. Certains des chats dont ils se sont séparés reproduisirent sous l'affixe "Skybrook" de Sheryl van Gundy, sans pour autant laisser plus de traces dans nos pedigrees. Aucun autre élevage ne semble avoir eu de descendants des chats de John Seipel.

La Cat Fanciers Association (CFA) reconnait le Sacré de Birmanie depuis 1967. Cette reconnaissance fait suite au travail de promotion assuré par des pionnières comme Mrs Gertrude Griswold (affixe "of Clover Creek" puis "Griswold's") et  Mrs Verner Clum ("Gaylands") par l'intermédiaire de Mr & Mrs Martin Rau ("de Lao Tsun") qui lui confièrent leurs chats. Dès 1965, Mrs Griswold exposait ses Birmans hors championnat.

Les Sacrés de Birmanie enregistraient alors ce qui figure toujours parmi leurs plus hauts taux de consanguinité historiques, reliquat du difficile redémarrage d'après-guerre, venant s'ajouter aux paramètres compliquant l'importation vers l'étranger. Ceci implique également que toutes les "souches" internationales se rejoignent en amont.

Pkaa et Klha Khmer : les premiers Birmans de Mrs Griswold

L'histoire de Mrs Griswold avec le Birman commence quelque peu par hasard. Avant l'import définitif de John Seipel, la race fit un passage éclair en 1959 par l'intermédiaire de Mr Carter Townes, alors en poste au Cambodge et de passage à Washington pour rendre visite à sa soeur. Il avait emmené ses deux chats avec lui, Schiaffa et Bok, deux seal point que Townes désigna sous le nom de "Chats de temple tibétains". Comme ils ne s'entendaient pas avec les animaux de sa soeur, Mrs Griswold fut leur cat-sitter le temps de son séjour.

Une fois reparti, Townes n'oublia pas le service qui lui avait été rendu, et, conformément à ce qu'il lui avait promis, proposa "à prix réduit" pour cent dollars chacun deux chatons issus de son couple à Mrs Griswold : Pkaa ("petite fleur") et Klha Khmer ("tigre"), nés en mai 1960. Notre cher ami n'a d'abord pas été très bavard en ce qui concerne les origines de ses chats, puisque Mrs Griswold s'en remit à Simone Poirier, affixe "de Crespières" en France, pour percer le mystère de ces "chats de temple tibétains". Elle entretint ainsi une relation épistolaire avec quelques habitués de la race, suite à un article qu'elle avait écrit en 1961 pour un magazine dans lequel elle racontait l'histoire de ses chats. Interpellée par la ressemblance avec le Birman français, Tana White, qui faisait alors des recherches pour un livre sur les races félines et venait de lire l'article, écrivit à Mrs Griswold et lui transmit l'adresse de Mme Poirier.

Celle-ci crut un temps avoir trouvé là une véritable souche asiatique de Sacrés de Birmanie qui attesterait des origines supposées de la race. Il n'en fut rien : Schiaffa et Bok provenaient en réalité de la chatterie "des Brosses" de Mme Gillet, une éleveuse française ayant enseigné dans une école française du Cambodge. Les chatons n'étaient cependant pas dénués d'intérêt pour Mme Poirier, puisque les lignées de Mme Gillet avaient pour origine l'un des premiers élevages allemands, "Von Frohnau", avec apport de sang persan - et peut-être ensuite croisées, comme on le soupçonnait, avec des chats de gouttière cambodgiens. En France, un descendant de la lignée d'origine y reproduisait déjà en la personne de Caesar des Brosses, dont Mme Poirier avait d'ailleurs gardé une fille, Dorothée de Crespières. Mais avec le faible nombre de souches existantes et la domination des lignées Madalpour/Kaabaa qui impliquait une consanguinité très élevée, il était intéressant pour Mme Poirier d'avoir un point d'appui supplémentaire pour perpétuer la souche allemande, et la correspondance entre Mrs Griswold et Mme Poirier donna ainsi lieu à des échanges de chats. Il est à noter que les origines de Schiaffa et Bok ne sont pas référencées dans les bases de données de pedigrees, leurs pedigrees des années 60 étant restés vierges.

Korrigan de la Regnardière - qui prit ensuite le premier affixe de Mrs Griswold "Of Clover Creek" sur les pedigrees de sa descendance mais est bel et bien né en France, chez Mme Lavoinne - un mâle seal point, et l'un des plus célèbres chats Griswold, est arrivé aux USA en 1963, à l'âge de dix-huit mois. D'abord enregistré en tant que chocolat point, sa couleur "officielle" sera ensuite rectifiée.

Sa nouvelle propriétaire américaine déclarera toutefois plusieurs chatons nés de son élevage comme "chocolat point", si bien qu'on la crédite parfois d'avoir donné naissance aux premiers chocolats et lilacs. Or, le premier programme d'introduction pour ces couleurs ne débuta qu'à la décennie suivante, en Angleterre. Il s'agissait, sans doute, d'erreurs d'identification de couleur. 

La première portée Clover Creek/Griswold nait en juin 1963 de Korrigan et Pkaa. Quelques semaines plus tard, Khla Khmer et Leslie de la Regnardière, une seal point importée en même temps que Korrigan, donnent naissance à une autre portée. Petite-fille d'un Persan seal point britannique du nom de Briarry Carazal, Leslie apporte une ouverture de sang bienvenue mais ne laisse qu'une infime empreinte dans nos pedigrees, contrairement à Korrigan, dont l'héritage génétique est conséquent. Un chaton de chaque portée fut renvoyé à Mme Poirier.

L'une des filles de Pkaa et Korrigan, Belyea, sera remariée à son père et donnera naissance à Griswold's Burman Boi Bleu, l'un des premiers blue point américains.

Les prochains chats à arriver chez Mrs Griswold furent Kora de Crespières en 1964, Opale de Khlaramour - soeur d'Orlamonde qui fit souche en Angleterre - et Ophélie de Crespières en 1965.

Kora était une chatte noire uni gantée de blanc, avec une bavette blanche sur le poitrail et les yeux jaunes, elle aussi petite-fille d'un Persan, Câlin des Princes. Âgée de 3 ans à son arrivée, elle avait déjà reproduit chez son éleveuse. Si sa descendance américaine fut peu nombreuse, ses premiers chatons lui ont assuré une grande et pérenne influence dans la génétique du Sacré de Birmanie.

Pour beaucoup, Gertrude Griswold,  reste une figure clé du monde du Sacré de Birmanie​, avec des avis bien arrêtés et "une main de fer".

Mais il faut aussi composer avec Mrs Verner Clum. Avant tout éleveuse de Persans sous l'affixe "Gaylands", elle bénéficiait déjà d'une certaine renommée dans le monde de l'élevage au moment où elle se laisse séduire par les Sacrés de Birmanie importés de France par la famille Rau, qui avait séjourné en Europe de 1961 à 1964 et en avait ramené cinq chats : Karyne d'Ormailley, et trois "Clos Fleuri", Mousmée, Mikado, Mirtus, et un de leurs petits, Neko. Ils les présentent comme appartenant à une race rare. Leurs lignées se perpétuent encore aujourd'hui.

Mrs Clum cherchait à agrandir son élevage pour une autre race. Au moment où elle rencontre les Rau, sa santé décline, et en dépit du fort intérêt que leurs chats suscite en elle, elle repousse son projet. Puis un an plus tard, elle leur rend visite, et "craque" pour un de leurs chatons, Opom de Lao Tsun. Enfin, lorsque le couple est rappelé en Europe en 1968, leurs animaux sont confiés à Mrs Clum. L'année suivante, sa santé décline à nouveau, la forçant à céder à son tour des chats à Mrs Griswold.

Gaylands ne fut donc que très rapidement un élevage de Sacrés de Birmanie. Ce qui n'empêcha pas Clum de jouer un rôle clé dans la reconnaissance de la race par la CFA, à laquelle elle fournit une traduction du standard français. De par son expérience et sa renommée préalablement acquise en tant qu'éleveuse de Persans, et les informations qu'elle avait récoltées sur le Birman au long de recherches généalogiques qui lui faisaient parfois passer de longues heures au téléphone, elle était bien placée pour faire avancer le processus, conjointement avec le juge Dick Gebhardt, et la pression exercée par les registres européens qui réclamaient la reconnaissance.

Outre les États-Unis, son action permit également d'aboutir à la reconnaissance du Birman au Canada.  

Les premiers standards américains acceptent le chocolat et le lilac, en dépit de l'absence de véritables représentants. Par ailleurs, le Sacré de Birmanie y était à l'origine enregistré en tant que "race d'origine naturelle", pour finalement passer dans les "races fabriquées".

À la mort de Mrs Griswold en 1976, certains reproducteurs qu'elle tenait de Mrs Clum furent légués à Mrs Frances Price de la chatterie Tai Ming, éleveuse depuis 1968, année où elle obtint Griswold's Ombelle. Mrs Price est connue pour ses nombreux imports, contribuant grandement au développement du Sacré de Birmanie aux USA par le biais de chats anglais, en particulier issus des chatteries SmokeyHill et Praha.

Parmi les éleveurs américains des années 60/70, Rindy's Haven (Harriet Rindfleisch), Oxdowne (Betty Cowles), Celtic (Maureen Escalette) sont eux aussi à compter parmi les acteurs importants du développement du Sacré de Birmanie au pays de l'Oncle Sam.

 

Paloma C.

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