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La PKD et la HCM
chez le Sacré de Birmanie

 

 Les considérations esthétiques sont le volet le plus évident de la sélection opérée par les éleveurs félins. Une sélection sérieuse ne peut cependant s'affranchir des questions de santé, dont la prévention fait partie intégrante. Cette prévention vise les maladies infectieuses mais aussi les maladies héréditaires, c'est-à-dire génétiquement transmissibles. Une veille professionnelle et une certaine vigilance active sont essentielles à la conduite d'une sélection respectueuse de l'animal et de ses adoptants.

 

 En plus des dépistages infectieux élémentaires (Felv, FIV...), les démarches de sélection peuvent s'appuyer sur des tests ADN et/ou suivis par échographie destinés à identifier les chats porteurs ou atteints de pathologies transmissibles. Deux affections héréditaires sont ciblées en priorité par les éleveurs de Birmans : la polykystose rénale (PKD/ADPKD) et l'hypertrophie cardiomyopathique (HCM). 

 Il existe d'autres maladies héréditaires, pour lesquelles le Sacré de Birmanie n'est pas considéré comme plus prédisposé que les autres races. Une origine héréditaire propre au Sacré de Birmanie est reconnue pour une dernière catégorie d'anomalies, qui sont soit sans conséquences sur la qualité de vie des sujets concernés (MPS VI et assimilés), soit heureusement cantonnées à une poignée de lignées (NUDE, hypomyélination, dégénerescence spongiforme...). Nous aurons l'occasion d'y revenir.

 Nous détaillerons dans un premier temps l'impact de ces deux maladies sur respectivement la fonction rénale et la fonction cardiaque, avant d'exposer leurs modes de transmission ainsi que les principaux signes cliniques.

 Dans un second temps, nous nous intéresserons à leur prévalence supposée chez le Sacré de Birmanie et aux politiques de dépistage privilégiées à l'heure actuelle.

 Ces pathologies sont bien complexes, aussi garderons-nous à l'esprit que les programmes de dépistage, aussi sérieux soient-ils, représentent davantage une précieuse opportunité d'enrayer la propagation des maladies héréditaires qu'une protection absolue. 

Cet article est à visée purement pédagogique et ne saurait faire figure de diagnostic ou de recommandation vétérinaire personnalisée. Si l'état de votre chat, son statut de reproducteur ou ses antécédents familiaux le justifient, il convient de vous rapprocher d'un professionnel de la médecine vétérinaire.

PKD ou ADPKD (Polycystic Kidney Disease/Autosomal Dominant Polycystic Disease) - maladie polycystique des reins

 La polykystose se caractérise par le développement de kystes sur le tissu rénal. Plus rarement, les chats atteints présentent en sus des kystes sur le foie et/ou le pancréas. La maladie est évolutive : les kystes augmenteront en taille et en nombre avec l'âge. Le fonctionnement des reins est compromis une fois que les kystes ont investi près de 70% du tissu rénal.

 Chez le chat, la polykystose se transmet sur le mode dominant. Un sujet atteint est donc issu d'au moins un parent qui l'est lui-même.

 Aucun animal homozygote pour la forme dominante n'ayant jamais été observé, la médecine vétérinaire a rapidement établi que cette mutation délétère était léthale in utero à l'état homozygote - ce qui a l'avantage de réduire la propagation de l'allèle incriminé. 

  Les délais d'apparition des premiers signes cliniques varient grandement d'un chat à l'autre, entre un peu plus d'un an et 10 ans d'âge, la moyenne se situant à 7 ans. Ils ressemblent à ceux que l'on constate dans le cadre d'une insuffisance rénale chronique classique : vomissements répétés, perte de poids, abattement,  perte d'appétit, prise de boisson plus importante, urines fréquentes et abondantes. Une fois l'insuffisance rénale atteinte, l'espérance de vie va de quelques jours ou semaines à environ 3 ans en fonction de la sévérité de la polykystose. Les seuls soins possibles sont d'ordre palliatif.

 Les premiers cas étudiés par la médecine vétérinaire, dans les années 1960, concernaient en priorité des Persans et dérivés. Le Persan et son équivalent poil court, nommé Exotic Shorthair, demeurent les principales races touchées par la PKD avec une fréquence estimée à 37% en 2004. Le British et le Scottish sont également identifiés comme des races à risque, à moindre fréquence. Un test ADN spécifique à la forme identifiée chez le Persan, nommée PKD1, est commercialisé depuis 2005 - c'est l'un des plus anciens dépistages par ADN possibles chez le chat. La proportion de sujets positifs a depuis chuté vers une fourchette estimée à 15 à 20%. La recherche tente toujours d'isoler d'autres variantes de polykystoses héréditaires.

 Le Sacré de Birmanie est souvent considéré comme une race apparentée au Persan compte tenu des apports qu'il a reçu de ce dernier tout au long de son histoire, et néanmoins il n'est que rarement et faiblement inclus dans les recherches vétérinaires portant sur la PKD. Le LOOF considère d'ailleurs que la maladie est trop peu documentée au sein de la race pour être inscrite au Système de Qualification des Reproducteurs (SQR). La PKD n'en est pas moins une préoccupation ancienne pour les éleveurs de Birmans. A priori peu fréquente, elle a cependant fait parler d'elle à travers les cas rendus publics. Quoi qu'il en soit, il ne serait en réalité pas touché par la forme appelée PKD1.

  Le test destiné au Persan fut un temps recommandé pour le Sacré de Birmanie mais est aujourd'hui considéré comme inapproprié. Puisque la PKD1 ne concernerait pas le Birman, il est logique que les tests soient quasi-systématiquement négatifs, sans que cela ne soit réellement indicateur. Le seul moyen fiable de détecter une polykystose toutes possibles variantes confondues est donc de pratiquer un suivi par échographie des reproducteurs, tout du moins s'agissant des lignées pures. D'après l'école vétérinaire VetAgro Sup, qu'ils présentent déjà ou non des signes cliniques, 95% des animaux atteints montreront des kystes visibles à l'échographie dès l'âge de 10 mois et "l'on considère qu'à 1 an, quasiment tous les porteurs peuvent être détectés." De nouvelles échographies sont conseillées vers 5 ans afin de valider les précédents dépistages. Certains éleveurs prendront la précaution de maintenir les dépistages ADN, et/ou un suivi annuel, la fiabilité de l'examen augmentant avec l'âge.

 Cela étant dit, le test ADN ciblant la PKD1 garde une pertinence pour les lignées issues de retrempes récentes avec des chats des groupes Persans et British.

 Les chats diagnostiqués positifs devraient être immédiatement retirés de la reproduction, et une vigilance renforcée s'impose pour leurs éventuels descendants et autres proches parents.

 La recherche continue de se concentrer sur la PKD1 tant la complexité de ses mécanismes cellulaires et de ses modalités d'expression ont intrigué le monde vétérinaire, et même si cela a vocation à ouvrir la voie à des investigations quant aux autres variantes, les chances de voir de nouveaux tests ADN débarquer sur le marché dans un avenir proche sont faibles. Les plus importantes données récentes concernant le Birman proviennent d'une étude intitulée Genetic epidemiology of blood type, disease and trait variants, and genome-wide genetic diversity in over 11,000 domestic cats, publiée en 2022 par Anderson et al. 174 Birmans venus des USA, de Norvège, Finlande, Suède et des Pays-Bas ont été testés par ADN pour la PKD1, et aucun d'entre eux n'était positif à la mutation. Ces nouveaux chiffres vont dans le sens des forts soupçons quant à la prévalence de la PKD1 et par extension la pertinence des tests existants.


Résultats possibles au test ADN pour la PKD de type 1
N/N : Chat non atteint.
P/N : Chat hétérozygote atteint : il possède une copie de la mutation liée à la maladie et une copie de l'allèle sain.
P/P : Chat homozygote atteint : il possède deux copies de la mutation. Un tel génotype n'aurait jamais été observé : on suppose que les chatons homozygotes pour la mutation meurent in utero voire que les embryons ne se développent pas.

HCM (Hypertrophic Cardiomyopathy) - Cardiomyopathie hypertrophique

 La HCM est la maladie cardiaque la plus répandue chez le chat domestique. Elle provoque un épaississement progressif des parois du coeurs au détriment des cavités internes, plus notablement du ventricule gauche. Le coeur ne pompe plus aussi efficacement le sang et doit travailler davantage.

 On distingue deux grandes catégories de cardiomyopathie hypertrophique : les HCM héréditaires, qui se déclinent elles-mêmes sous plusieurs variantes, et les hypertrophies acquises correspondant à un ensemble de symptômes déclenchés par une maladie sous-jacente. C'est la première qui nous intéresse ici. Il s'agit d'une maladie évolutive touchant le jeune adulte, l'adulte et plus particulièrement le chat d'âge moyen ou senior. Les issues les plus graves consistent en une insuffisance cardiaque suivie d'une décompensation, une thrombose avec ou sans embolie pulmonaire, un infarctus du myocarde, ou une mort subite consécutive à un arrêt cardiaque.  Dans les faits, les risques encourus et l'espérance de vie varieront énormément d'un individu à l'autre.

 Les chats ne présentant  qu'une seule copie de la forme génétique (dits hétérozygotes) sont à risque de développer la maladie, à un âge variable et imprévisible, et de manière plus ou moins prononcée. Ce risque est majoré chez  les mâles de grande taille. Les mécanismes exacts de cette prédisposition restent à définir. Les chats homozygotes et possédant donc deux copies de la mutation développent plus facilement une forme plus précoce et plus grave.

 La plus grande difficulté que pose la HCM est sans conteste la forte variabilité qui caractérise le développement des symptômes mais aussi les délais de leur progression, y compris chez les sujets hétérozygotes. Les variantes génétiques identifiées jusqu'ici correspondent à des allèles dominants, mais il reste à vérifier si leur transmission pourrait faire l'objet d'une pénétrance incomplète qui expliquerait en partie ces disparités, c'est-à-dire que l'expression de l'allèle défectueux pourrait être modulée par d'autres gènes. 

 La HCM a souvent été qualifiée de "tueuse silencieuse" en raison de la discrétion dont elle peut longtemps faire preuve : concrètement, les signes cliniques initiaux ne sont pas systématiquement évidents. On la diagnostique souvent de manière fortuite suite à la détection d'un souffle cardiaque durant un examen de routine - inversement, l'absence de souffle ne suffit pas à conclure qu'un chat est forcément indemne. L'âge moyen au premier diagnostic est de 6 ans.  

 Au quotidien, à un stade débutant, les signes cliniques sont susceptibles de se limiter à une augmentation de la fréquence respiratoire. Une moindre tolérance à l'effort voire un état léthargique, un halètement persistant ou encore des quintes de toux inexpliquées peuvent évoquer un stade plus avancé et méritent que l'on se rapproche d'un vétérinaire en vue d'évaluer la pertinence d'un dépistage.

 De façon similaire à la PKD, il n'existe ni remède, ni traitement préventif. Le pronostic à long terme est cependant plus favorable pour la HCM, en particulier si celle-ci est décelée à un stade précoce et qu'un traitement palliatif adapté est mis en place afin de soutenir le coeur, préserver les poumons et prévenir la formation de caillots sanguins.

 Un animal diagnostiqué à un stade précoce et dont le coeur est soutenu convenablement peut prétendre à une espérance de vie proche de la normale, si sa condition demeure stable.  C'est lorsque la maladie n'a pas été préalablement détectée - ou tardivement - et qu'elle évolue de manière fulgurante que le pronostic à court terme est le plus sombre.

 

 

 Le Maine Coon est l'une des races les plus touchées, avec une prévalence estimée à un tiers de la population mondiale. Une mutation propre à la race est en cause. Le Ragdoll et le Sphynx ont aussi leur propre variante. Tous trois bénéficient de dépistages par ADN. Le Persan et le British comptent parmi les autres races considérées comme prédisposées.

Ce n'est que depuis 2015 que la recherche se penche sur la cardiomyopathie hypertrophique chez le Sacré de Birmanie. Les études en cours n'ont pas encore livré leurs résultats et sont appelées à durer plus longtemps que prévu. Elles englobent par ailleurs d'autres maladies cardiaques distinctes de la HCM mais pouvant s'en rapprocher dans leur présentation. Un enjeu sera de déterminer les prévalences respectives de ces maladies au sein de la population de Sacrés de Birmanie et d'orienter les politiques de dépistage.

 De manière plus informelle, les suspicions quant à la présence d'une forme héréditaire de HCM chez le Birman allant croissant, de plus en plus d'éleveurs à travers le monde décident de soumettre leurs reproducteurs à un suivi cardiaque par échographie. Nous avons connaissance de cas en France, en Allemagne, en Europe du Nord, en Australie et au Royaume-Uni.

 Le Royaume-Uni s'est notablement impliqué dans les programmes de recherche actuels. L'un des plus importants est d'ailleurs piloté par le Royal Veterinary College de Londres. Il a bénéficié du soutien financier d'une association créée à cet escient : la Birman Heart Foundation. Elle regroupait des éleveurs, des clubs de race mais également des particuliers confrontés au décès soudain de leur animal.

 Les tests ADN disponibles ne sont adaptés qu'au Ragdoll, au Maine Coon et au Sphynx et ne permettent pas d'écarter d'autres mutations responsables d'une HCM héréditaire, y compris au sein de ces deux races. 

 Chez le Sacré de Birmanie et toutes les autres races, une échographie doppler est donc, en l'état, le seul moyen de dépister une HCM. Un suivi annuel est généralement conseillé, cela à partir d'environ 12 mois et idéalement tous les 18 mois jusqu'à un âge avancé, en particulier pour les lignées issues d'hybridations récentes avec des Persans ou British. Les spécificités de la HCM font qu'une même lignée devrait être suivie durablement, même si plusieurs ascendants ont déjà été diagnostiqués négatifs.

 En cas de diagnostic positif, un suivi restera de rigueur en vue de contrôler le fonctionnement du coeur et vérifier l'efficacité du traitement palliatif. Il est impératif de mettre un terme à la carrière d'un reproducteur positif et de surveiller étroitement son éventuelle descendance et autres parents proches.

Résultats possibles au test ADN pour la HCM-A chez le Maine Coon
N/N : Chat sain pour cette mutation donnée.
HCMmc/N : Chat hétérozygote risquant de développer la maladie.
HCMmc/HCMmc : Chat homozygote à plus haut risque de développer la maladie de façon plus précoce et plus grave.

Résultats possibles au test ADN pour la HCM-C chez le Ragdoll
N/N : Chat sain pour cette mutation donnée.
HCMrd/N : Chat hétérozygote risquant de développer la maladie.
HCMrd/HCMrd : Chat homozygote à plus haut risque de développer la maladie de façon plus précoce et plus grave.

Bibliographie

Barthez P, Rivier P, Begon D. Prevalence of polycystic kidney disease in Persian and Persian related cats in France. Journal of Feline Medicine and Surgery. 2003.

Lyons LA et al. Feline polycystic kidney disease mutation identified in PKD. 2004.

Conseil scientifique du LOOF. Recommandations concernant la Polykystose rénale. 2015.

Yu, Y., Shumway, K.L., Matheson, J.S. et al. Kidney and cystic volume imaging for disease presentation and progression in the cat autosomal dominant polycystic kidney disease large animal model. 2019.

Kathryn M. Meurs et al, A cardiac myosin binding protein C mutation in the Maine Coon cat with familial hypertrophic cardiomyopathy, Human Molecular Genetics. 2005.

G. Wess, C. Schinner, K. Weber, H. Küchenhoff, K. Hartmann. Association of A31P and A74T Polymorphisms in the Myosin Binding Protein C3 Gene and Hypertrophic Cardiomyopathy in Maine Coon and Other Breed Cats. 2010.

Dr Virginia Fuentes. . Feline Hypertrophic Cardiomyopathy study. Royal Veterinary College. 2015 - en cours.

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